John McAfee – un terroriste moderne, de Joshua Davis

mcafee

“Il était devenu quelqu’un de très effrayant”

Parution ces jours d’un petit livre très intéressant sur le “cas” John McAfee. On se souvient peut-être des articles de journaux datant d’il y a un peu plus d’une année, où l’on apprenait que le créateur du logiciel anti-virus portant son nom était recherché par la police du Bélize pour une affaire de meurtre. On n’aura en tout cas pas oublié les photos de cet homme en mode Rambo de la jungle, et cette façon de narguer les autorités et le système en diffusant des tweets et des articles de blog déjantés, se moquant de l’incapacité générale de lui mettre la main dessus. On l’aura arrêté depuis; il a été accusé de trafic de drogue, et soupçonné d’avoir abattu son voisin. Les charges ayant été abandonnées, je pense qu’il est retourné sur son île au large du Bélize, dans cette sorte de bunker de folie qu’il semble s’être bâti.

Le livre de Joshua Davis, journaliste au magazine Wired, revient sur les évènements qui ont mené McAfee à prendre la fuite en automne 2012. Avant cela, quelques lignes présentent le personnage: inventeur du premier bouclier anti-virus informatique, et même un des premiers à avoir imaginé ce qu’est un virus informatique, il a tout de suite fait fortune dans le domaine, jusqu’à revendre enfin sa société pour plus de 6 milliards de dollars.  Avant cela, déjà inquiété par la crise sévissant aux États-Unis, il s’exile sur une petite île du Bélize qu’il a rachetée. Il s’y bâtit une immense propriété, plusieurs bungalows pour ses différentes femmes. Il fait construire aussi un laboratoire afin, selon lui, d’aider une scientifique dans ses recherches sur les antibiotiques. Le voici jeune retraité milliardaire, et écrire des livres sur le yoga ne lui convient bientôt plus. Fan d’armes à feu, peut-être complètement accro à la came, il commence à s’entourer d’une vraie milice de gardes du corps; il prétend lutter contre le trafic de drogue dans son pays d’adoption et en Amérique Centrale, mais certaines de ses connexions semblent y être pleinement mêlées. Le voici qui fait un jour l’apologie de la drogue sur des sites internet, et qui prétend par la suite n’y avoir jamais touché.  Davis est allé lui rendre visite pour un entretien, et McAfee s’amusait devant lui à jouer à la roulette russe avec sa petite arme de poing. Un homme constamment sur le fil du rasoir, presque dangereux. Il y avait quelque chose de la plus pure paranoïa dans ses propos, ses attitudes.  Il se sentait pourtant menacé; les autorités béliziennes le traquaient. Le jour où une section para-militaire débarqua dans sa propriété pour une fouille complète, il comprit qu’il ne lui restait plus qu’à s’enfuir. C’était le début de plusieurs semaines de cavale, que certains d’entre nous avons suivi avec intérêt à travers les journaux.

“McAfee commença à ressentir la même chose qu’en 1987, lorsqu’il avait découvert pour la première fois l’existence des virus informatiques: il était cerné d’ennemis invisibles, sauf qu’il constituait désormais une cible désignée. Il était devenu riche en laissant libre cours à sa paranoïa et en persuadant les gens qu’ils devaient avoir peur de certaines choses qu’il ne pouvaient pas voir. Par un incroyable revirement karmique, il était maintenant harcelé par une multitude de menaces invisibles.”

C’est donc un très bon petit livre, ou même grand article de journal (d’abord paru dans la revue Wired), qui nous est présenté. On en demanderait même un peu plus, tant le sujet est fascinant: un sujet totalement impossible qui rend la réalité plus intense que la fiction, avec ce nabab à l’imagerie déployée de gangsta complètement allumé. Comme je ne suis pas très connaisseur du monde informatique, j’ai pris mes repères dans cette histoire en y voyant, pourquoi pas, une sorte de relecture de Breaking Bad: un génie de l’informatique qui part totalement en sucette. Je lirai volontiers une biographie plus complète sur John McAfee, personnage si peu recommandable mais tellement haut en couleurs qu’il en ferait exploser les mirettes.

“John Mcafee – un terroriste moderne” (John Mcafee’s last stand – 2012)

Joshua Davis / Editions Inculte, 2013

How to uninstall McAfee, pour se familiariser avec le personnage… En janvier 2014, la société Intel, propriétaire du logiciel antivirus McAffe, a décidé de changer le nom de son programme.

Leave a comment